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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/66

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— Vous ne vous courroucerez point ?

— Non…

— Vous ne m’interromprez point ?

— Ah ! que de mots !

— Messire, vous le voyez, j’ai le front baigné de sueur, la voix étranglée, le corps tout tremblant, pourtant je n’ai point seulement commencé de vous apprendre ce pour quoi je suis venu… Si donc vous m’interrompiez avec colère… Je perdrais le fil de mes idées… je…

— Ventre-Dieu ! quelle patience il me faut avoir ! Allons ! dépêche ! je ne t’interromprai pas… je t’écoute !

Denis Laxart fit un grand effort sur lui-même, et, après s’être un moment recueilli, dit au capitaine d’une voix précipitée :

— Je suis allé hier voir ma nièce à Domrémy, elle a épousé Jacques Darc, honnête laboureur ; ils ont deux fils et une fille ; la fille s’appelle Jeannette… elle a dix-sept ans…

Mais Denis, voyant l’impatience à peine contenue du capitaine sur le point d’éclater à cet exorde, se hâta d’ajouter :

— J’arrive au fait, messire, j’arrive au fait, hum… hum… il va vous paraître étonnant, prodigieux, mais enfin… tel il est… tel je vous le rapporte… Donc, hier soir, ma petite-nièce Jeannette m’a dit ceci : — « Mon bon oncle, vous connaissez le capitaine Robert de Baudricourt ; il faut que, dès demain, vous me conduisiez à Vaucouleurs, auprès de lui. »

— Auprès de moi ! que me veut ta nièce ?

— Elle veut vous révéler, messire, ce qu’elle m’a révélé hier soir, à l’insu de ses parents, à l’insu même de maître Minet, son curé, son confesseur… jugez un peu… quel secret !

— Enfin, ce secret… quel est-il ?

— Le voici, messire… Il parait… hum… hum… il paraît que Jeannette est inspirée de Dieu… que des voix mystérieuses lui annoncent, depuis longtemps, qu’elle, Jeannette, ma petite-nièce,