— Je le reconnais, en ceci elle a montré, sinon la science, du moins l’instinct de la guerre.
— À mon avis, c’est tout un. Quoi qu’il doive arriver, il faut promptement écrire au roi.
— C’est mon dessein.
— À quel roi écrirez-vous ?
— Est-il donc deux Charles VII ?
— Mon cher Robert, j’ai accompagné à la cour le comte de Metz, auprès de qui je commandais une compagnie de cent lances ; j’ai donc vu de près les choses à Chinon ou à Loches…
— S’ensuit-il qu’il y ait deux rois ?
— Il est un roi du nom de Charles VII, dont le souci se borne à régner sur le cœur des femmes de bonne volonté ; énervé par la mollesse, ingrat, égoïste, insoucieux de l’honneur, ce prince, confiné à Chinon ou à Loches, au milieu de ses favoris, de ses maîtresses, laisse ses soldats combattre, mourir pour défendre les débris de son royaume, et jamais on ne l’a vu à la tête de ses troupes…
— C’est une honte pour la royauté !
— Il est un autre roi du nom de Georges La Trémouille, despote jaloux, haineux, ombrageux ; il règne en maître sur les deux ou trois provinces dont se compose à cette heure le royaume de France, et mène le bâton haut nos seigneurs du conseil royal, dépositaires de toute autorité…
— Je savais qu’en effet le Maire du palais de notre roi fainéant était le sire de La Trémouille ; c’est donc à lui que je vais écrire…
— N’en faites rien, Robert, croyez-moi !
— Quoi ! vous dites vous-même qu’il est le maître ?… le roi de fait ?…
— Oui ; mais voulant rester maître et roi de fait, il ne souffrira point qu’un autre que lui ait trouvé un moyen de salut pour la Gaule. Le sire de La Trémouille repousserait donc, n’en doutez pas, l’intervention de Jeanne… Écrivez au contraire directement à