— La faute en est à la chevalerie ; pourquoi s’est-elle montrée si lâche à la bataille de Poitiers !
— Et par surcroît Jacques Bonhomme, opprimé, torturé, a été forcé de payer la rançon des seigneurs, vils couards à éperons dorés !…
— Mais Jacques Bonhomme à bout s’est regimbé dans son désespoir. Oh ! du moins une bonne fois la fourche et la faux ont eu raison de la lance et de l’épée ! La Jacquerie a vengé les serfs !
— Et ensuite quel carnage n’a-t-on pas fait des Jacques !
— Enfin… ils ont eu leur tour ! ça console…
— Aujourd’hui ce sera le tour de ces damnés Anglais ! grâce à Jeanne-la-Pucelle l’envoyée de Dieu ! elle les boutera dehors !
— Oui, oui, laissez-la faire… elle à promis qu’avant un mois il ne resterait pas en France un de ces goddons[1].
— Gloire à elle ! la bergère de Domrémy aura ainsi accompli ce que ni roi, ni ducs, ni chevaliers, ni capitaines n’ont pu accomplir !
— Noël à Jeanne ! née comme nous de pauvres gens ! qu’elle soit bénie des pauvres gens qui des Anglais souffraient mort et passion !
— La voilà ! on abaisse le pont-levis du château…
— Oui, la voilà ! c’est elle…
— Qu’elle est leste et belle sous ses habits d’homme !
— Voyez donc ? on dirait d’un beau jeune page avec ses cheveux noirs coupés en rond, sa capeline écarlate, sa tunique verte, ses chausses de daim à aiguillettes et ses bottines éperonnées...
— Elle a par ma foi l’épée au côté !
— Le sire de Baudricourt lui en a fait présent.
— C’était bien le moins ! nous autres de Vaucouleurs, n’avons-nous pas boursillé afin d’acheter un cheval à cette brave guerrière !
— Maître Simon le marchand a répondu de la haquenée comme d’une bête patiente et douce ; un enfant la conduirait ; elle servait de monture à une noble dame pour la chasse au faucon.
- ↑ Terme populaire sous lequel on désignait les Anglais, de même que de nos jours on a dit Goddam. (Procès de réh., t. II, p. 450.)