Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/149

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rent, ne comprenant pas le sens des paroles du prélat. Simonne, non moins troublée que son mari, semblait partagée entre deux sentiments : la crainte de quelque danger pour Ancel, et l’horreur que lui inspirait Gaudry.

— Eh bien ! seigneur échevin, clarissime élu de l’illustrissime commune de Laon ? — dit le prélat avec un accent railleur et méprisant, — tu as voulu me voir, me voici ; parle, que veux-tu ?

— Seigneur évêque ; je n’ai point, tant s’en faut, ambitionné de venir céans, j’accomplis un devoir, je suis ce mois-ci échevin judiciaire, et comme tel, chargé des procédures ; c’est en cette qualité que je viens ici remplir mon office.

— Oh ! oh ! salut à vous, seigneur procédurier, — reprit le prélat en s’inclinant ironiquement devant le talmelier ; — peut-on du moins savoir le sujet de cette procédure ?

— Certes, seigneur évêque, puisque je viens procéder contre toi.

— Vraiment !… contre moi ?…

— Contre toi et contre Jean, ton serviteur africain.

— Et pendant que mon mari est en train de procéder, — ajouta résolument Simonne, — il demandera aussi justice et réparation des injures que m’a dites la noble dame de Haut-Pourcin, femme de l’un de tes Épiscopaux, seigneur évêque.

— Jean, mon noir, avait pardieu raison ; jamais je ne vis plus gentille créature ! — dit l’évêque dissolu en examinant attentivement la talmelière, dont il s’était jusqu’alors peu occupé. Puis, semblant réfléchir : — Depuis combien de temps es-tu mariée, mignonne ?

— Depuis cinq ans.

— Bonhomme, — reprit Gaudry en s’adressant à l’échevin, — tu as donc racheté ta femme du droit de Cuillage du temps qu’Amaury le chanoine était préposé à la perception de ce droit ?

— Oui, seigneur, — répondit le talmelier, tandis que sa femme, baissant les yeux, devenait pourpre de confusion en entendant le