Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/195

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souvenir des désastres, des massacres, des bannissements, des supplices qui auront suivi la lutte paralysera d’abord toute velléité de nouvelle insurrection…

— Ainsi le nouvel évêque et les nobles, sûrs de l’impunité, redoubleront d’audace ? leur oppression deviendra plus affreuse encore que par le passé ?

— Non ! le nouvel évêque, si forcené qu’il soit, n’oubliera pas le terrible sort de Gaudry, les nobles n’oublieront pas la mort de tant des leurs tombés sous les coups de la justice populaire. Cet utile exemple nous sera profitable… la première vengeance des Épiscopaux assouvie, ils allégeront le joug, dans la crainte de nouvelles révoltes. Ce n’est pas tout : ceux d’entre nous qui survivront à la lutte oublieront peu à peu ces jours néfastes, pour se rappeler ces temps heureux où la commune, libre, paisible, florissante, exempte d’impôts écrasants, sagement gouvernée par les magistrats de son choix, faisait l’orgueil et la sécurité des habitants ! ceux qui auront vu ces heureuses années en parleront à leurs enfants avec enthousiasme, ils leur raconteront comment un jour, le roi et l’évêque s’étant ligués contre la commune, elle s’insurgea vaillamment, fit fuir Louis-le-Gros, extermina l’évêque et les chevaliers. Alors la gloire du triomphe fera oublier les désastres de la défaite du lendemain ; cette défaite, on voudra la venger en rétablissant la commune. Peu à peu l’exaltation gagnera les esprits, et le moment venu, l’insurrection éclatera de nouveau ; de justes représailles seront encore exercées contre nos ennemis, aussi aveugles qu’impitoyables, nos franchises seront proclamées… Il se peut que ce nouveau pas vers la liberté soit encore suivi d’une réaction féroce, mais le pas sera fait, certaines franchises demeureront encore acquises aux habitants, et ainsi, pas à pas, péniblement, à force de luttes, de courage, de persévérance, nos descendants, tour à tour vainqueurs et vaincus, s’arrêtant parfois après la bataille pour panser leurs blessures et reprendre haleine, mais ne reculant jamais d’une semelle, arriveront à travers les