Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/348

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contemple en silence.) Ô fils de Joel ! moi aussi je payerai mon tribut aux légendes et aux reliques de notre famille ! (Il place les tenailles à sa ceinture.)

Peau-d’oie. — Que veux-tu faire de ce vilain instrument ?

Mylio. — Viens… viens…

Le trouvère et le jongleur se trouvent en ce moment non loin de la citerne, dont les abords sont vivement éclairés par la lune. Soudain Mylio s’arrête… regarde, jette un cri, s’élance, et, d’un bond, se précipite auprès de Florette, qu’il a reconnue. Il saisit une de ses mains : elle est tiède ; son cœur bat encore… Le trouvère, ivre d’espérance, emporte la pauvre petite aveugle dans ses bras ; et, courant avec son précieux fardeau vers la sortie de l’esplanade, il crie au vieux jongleur, d’une voix entrecoupée de sanglots : — Elle vit encore !… elle vit !…

Peau-d’oie, joyeusement. — Elle vit !... Ah ! corbœuf ! si nous échappons aux griffes des croisés, j’égayerai encore la douce enfant en lui chantant ma chanson favorite : Robin m’aime, Robin m’a… Ami, attends-moi ! je ne suis pas ingambe ; attends-moi donc ! au nom de ma bedaine, dont je suis fier maintenant ! Son poids a fait cheoir les potences, et nous avons échappé à cette tuerie catholique… apostolique… et romaine !… Ouf ! ! !

Mylio s’est arrêté à la porte de l’esplanade pour attendre Peau-d’Oie, qui arrive haletant au moment où Florette, que le trouvère tient entre ses bras, murmure d’une voix faible : — Mylio… Mylio…



Moi, Mylio-le-Trouvère, j’ai écrit ce jeu-partie, ici, à Paris, environ trois années après les massacres de Lavaur ; voici en peu de mots, fils de Joel, comment je suis arrivé avec Florette et Peau-d’Oie dans la capitale de la Gaule : après avoir quitté l’esplanade, emportant ma femme entre mes bras, je la cachai dans les ruines d’une maison