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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/201

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mais, puisque ce malheur est arrivé, il me semble qu’en suivant les conseils de Claude Gérard, je me rapproche de Régina, et que cette pensée me rendra moins dure, moins pénible, la condition qui m’attend. »

À cette heure où, pour tant de raisons… hélas ! j’interroge scrupuleusement mes moindres souvenirs au sujet de Régina, je me rappelle parfaitement que, si extraordinaire qu’elle me paraisse maintenant, telle fut cependant la raison déterminante qui me ramena vers la maison de l’instituteur : — La pensée de me rapprocher de Régina en devenant meilleur.

 
 

Ramassant le châle ensanglanté de Basquine et les trois pièces d’argent, je retournai donc au village.

Arrivé à la petite éminence d’où l’on découvrait la maison de l’instituteur… je vis la fenêtre encore éclairée.

— Il m’attendait… — me dis-je.

Et, je ne sais pourquoi, j’éprouvai une sorte de ressentiment hostile contre l’instituteur. La sûreté de prévision que je lui supposais m’humiliait profondément ; aussi, malgré mes bonnes résolutions récentes, j’eus la velléité de retourner sur mes pas… J’avais quinze francs, débris du vol commis… c’était de quoi vivre pendant plusieurs jours… mais, en me rappelant que ces pièces d’argent étaient teintes du sang de Basquine ou de Bamboche, j’eus horreur de cette ressource, scrupule bizarre que ne m’avait pas donné la pensée de m’approprier ma part du larcin commis au préjudice de Claude Gérard… Je poursuivis donc ma route.

Arrivant auprès de la maison de l’instituteur, je m’arrêtai à quelques pas de distance, et dans l’ombre ; puis à travers la fenêtre restée ouverte, j’observai attentivement Claude Gérard.

Dans cette étude que j’accomplis sur moi-même, face à face avec ma conscience, je ne veux rien oublier, surtout lorsqu’il s’agit de sentiments mauvais que j’ai depuis, sinon vaincus, du moins énergiquement combattus. |

Je n’observais pas Claude Gérard… je l’espionnais avec une cer-