Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/213

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« Malheureusement la force des choses en a décidé autrement. La religion du gouvernement a été surprise par des brouillons inconsidérés ; nous avons donc été obligés de subir l’école primaire.

« Vous comprenez bien que tout a été employé pour rendre, pendant très-longtemps, la mesure complétement illusoire, Mais enfin, forcés dans nos derniers retranchements, nous avons relégué l’école dans une étable infecte, malsaine, et le taux de la redevance de chaque enfant en état de payer a été fixé à un sou par mois ; ce qui élevait, pour l’instituteur, la redevance scolaire à environ 40 ou 50 fr. par an ; de plus, ledit instituteur était obligé à toutes sortes de fonctions rudes et avilissantes ; le prédécesseur de Claude Gérard y a renoncé au bout de trois mois ; l’école a été fermée deux ans ; il a fallu un Claude Gérard pour venir affronter et surtout subir tant de misère, tant de dégoût, tant de déboires, avec une insolente abnégation.

« Parmi les riches propriétaires du pays, était un assez bon homme, à qui j’avais facilement fait comprendre tout le danger qu’offre l’éducation du peuple. Je ne me défiais aucunement de lui, lorsque, par je ne sais quelle fatalité, il rencontre un jour le Claude Gérard.

« Savez-vous ce qu’il devint ? Au bout de deux heures de conversation, mon homme avait complétement changé, grâce à l’astuce diabolique de l’instituteur.

« Voici le langage que la pauvre dupe me tint, le soir même :

« — Eh bien ! Monsieur le curé, j’ai rencontré ce pauvre Claude Gérard… Savez-vous qu’il parle à merveille… et qu’il donne des raisons excellentes en faveur de l’enseignement populaire ?

    pager l’instruction élémentaire dans des temps où les journaux pullulent ; ils redoutent les avocats de village, comme ils les appellent. Les propriétaires ne comprennent pas encore bien que les avocats de village (ajoute très-sensément l’inspecteur dans son rapport) ne doivent leur pernicieuse influence qu’au monopole de la lecture et de l’écriture, et que quand ces ressources seront à l’usage de tous, elles cesseront de profiter à quelques-uns contre le plus grand nombre. (P. 188.)

    « (Charente.) — Il n’est que trop vrai, en général, que les propriétaires riches et aisés, sans éducation, ne voudraient pas voir les indigents recevoir de l’instruction comme leurs enfants. » (P. 188.)