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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/305

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— Monsieur ! Monsieur !

L’inconnu resta sourd à cet appel.

Je ne pouvais plus espérer de voir Bamboche ce soir-là. Le moment fatal était venu, il me fallait compter avec le cocher. Une fois cette dette payée qu’allait-il me rester ? où allais-je passer la nuit ?

Je sortis du cabaret.

La nuit était noire, humide, froide. Une des lanternes du fiacre était éteinte, l’autre s’éteignait. Le cocher était sur son siège… la rue était déserte.

Il me vint une pensée déloyale… m’éloigner sans payer cet homme… et lui laisser en nantissement le peu de linge et d’effets que contenait mon paquet de voyage… mais je ne cédai pas à cette tentation ; ayant hâte de sortir à tout prix de mon anxiété, j’éveillai le cocher, non sans peine.

— Hem… qu’est-ce ?… ah voilà, bourgeois, — dit-il en se secouant et frissonnant dans son épais carrik, — il fait un froid noir qui vous gèle jusqu’aux os… je m’étais endormi… Ah çà, où allons nous, bourgeois ?

— Je reste ici, — lui dis-je, — veuillez me rendre mon paquet et me dire combien je vous dois.

Mon angoisse fut grande en prononçant ces derniers mots.

Le cocher tira sa montre, s’approcha de sa lanterne et me dit :

— Vous m’avez pris à deux heures et demie, bourgeois, il est minuit passé… ça nous fait neuf heures et demie… mettons dix heures avec le pour-boire.. ça fait une pièce de 15 livres 10 sous, mettez 16 livres si vous êtes content, bourgeois. Je vas vous donner votre paquet.

Pendant que le cocher cherchait mon paquet, je fouillai dans ma poche, je comptai le peu d’argent qui me restait… Il y avait 9 francs et quelques sous.

Alors, chose lâche… stupide… puérile… je pleurai…

— Voilà votre paquet, bourgeois, — me dit le cocher.

— Monsieur, — repris-je en lui mettant dans la main tout ce qui me restait d’argent, — je n’étais jamais venu à Paris, je me croyais certain en arrivant de trouver une place chez un protecteur… ce pro-