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Page:Sue - Les mystères de Paris, 3è série, 1842.djvu/128

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harassés sur leur grabat… Le dimanche, ils s’enivrent au cabaret pour oublier les fatigues d’hier et celles de demain. C’est qu’aussi ces fatigues sont stériles pour eux, pauvres gens ! Après un travail forcé, leur pain est-il moins noir, leur couche moins dure, leur enfant moins malingre, leur femme moins épuisée à le nourrir ?… le nourrir !… elle qui ne mange pas sa faim ! Non ! non ! non ! Après ça, je sais bien, mes enfants, que noir est leur pain, mais c’est du pain ; dur est leur grabat, mais c’est un lit ; chétifs sont leurs enfants, mais ils vivent. Les malheureux supporteraient peut-être allègrement leur sort, s’ils croyaient qu’un chacun est comme eux. Mais ils vont à la ville ou au bourg le jour du marché, et là ils voient du pain blanc, d’épais et chauds matelas, des enfants fleuris comme des rosiers de mai, et si rassasiés, si rassasiés, qu’ils jettent du gâteau à des chiens… Dame !… alors, quand ils reviennent à leur hutte de terre, à leur pain noir, à leur grabat, ces pauvres gens se disent, en voyant leur petit enfant souffreteux, maigre, affamé, à qui ils auraient bien voulu apporter un de ces gâteaux que les