Page:Sue - Les mystères de Paris, 3è série, 1842.djvu/129

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petits riches jetaient aux chiens : « Puisqu’il faut qu’il y ait des riches et des pauvres, pourquoi ne sommes-nous pas nés riches ? c’est injuste… Pourquoi chacun n’a-t-il pas son tour ? » Sans doute, mes enfants, ce qu’ils disent là est déraisonnable… et ne sert pas à leur faire paraître leur joug plus léger ; et pourtant ce joug dur et pesant qui quelquefois blesse, écrase, il leur faut le porter sans relâche, et cela sans espoir de se reposer jamais… et de connaître un jour, un seul jour, le bonheur que donne l’aisance… Toute la vie comme ça, dame ! ça paraît long… long comme un jour de pluie sans un seul petit rayon de soleil. Alors on va à l’ouvrage avec tristesse et dégoût. Finalement, la plupart des gagés se disent : — À quoi bon travailler mieux et davantage ! que l’épi soit lourd ou léger, ça m’est tout un ! À quoi bon me crever de beau zèle ? Restons strictement honnêtes ; le mal est puni, ne faisons pas le mal ; le bien est sans récompense, ne faisons pas le bien… Ayons les qualités des bonnes bêtes de somme : patience, force et docilité… Ces pensers-là sont malsains ; mes enfants… de cette insouciance à la