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Page:Sue - Les mystères de Paris, 3è série, 1842.djvu/336

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— S’il m’aimait, devait-il me sacrifier à son égoïsme ?… Mon Dieu ! j’étais si tourmentée, j’avais tant de hâte de quitter la maison de mon père, que, s’il eût été franc, peut-être m’aurait-il touchée, émue par le tableau de l’espèce de réprobation dont il était frappé, de l’isolement auquel le vouait un sort affreux et fatal… Oui, le voyant à la fois si loyal, si malheureux, peut-être n’aurais-je pas eu le courage de le refuser ; et, si j’avais pris ainsi l’engagement sacré de subir les conséquences de mon dévouement, j’aurais vaillamment tenu ma promesse. Mais vouloir forcer mon intérêt et ma pitié en me mettant d’abord dans sa dépendance, mais exiger cet intérêt, cette pitié au nom de mes devoirs de femme, lui qui a trahi ses devoirs d’honnête homme, c’est à la fois une folie et une lâcheté !… Maintenant, monseigneur, jugez de ma vie ! jugez de mes cruelles déceptions ! J’avais foi dans la loyauté de M. d’Harville, et il m’a indignement trompée… Sa mélancolie douce et timide m’avait intéressée ; et cette mélancolie, qu’il disait causée par de pieux souvenirs, n’était que la conscience de son incurable infirmité…