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Page:Sue - Les mystères de Paris, 5è série, 1843.djvu/114

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Enfin, quoique digne et réservée, elle s’est montrée compatissante, ce qui a empêché ses compagnes de se choquer de sa froideur. Ce n’est pas tout. Il y a ici, depuis un mois, une créature indomptable surnommée la Louve, tant son caractère est violent, audacieux et bestial ; c’est une fille de vingt ans, grande, virile, d’une figure assez belle, mais dure ; nous sommes souvent forcés de la mettre au cachot pour vaincre sa turbulence. Avant-hier, justement, elle sortait de cellule, encore irritée de la punition qu’elle venait de subir ; c’était l’heure du repas ; la pauvre fille dont je vous parle ne mangeait pas ; elle dit tristement à ses compagnes : — « Qui veut mon pain ? — Moi ! — dit d’abord la Louve. — Moi ! » dit ensuite une créature presque contrefaite, appelée Mont-Saint-Jean, qui sert de risée, et quelquefois, malgré nous, de souffre-douleur aux autres détenues, quoiqu’elle soit grosse de plusieurs mois… La jeune fille donna d’abord son pain à cette dernière, à la grande colère de la Louve. — « C’est moi qui t’ai d’abord demandé ta ration ! — s’écria-t-elle furieuse. — C’est vrai, mais cette pauvre femme