Page:Sue - Les mystères de Paris, 5è série, 1843.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rante ans, courte, ramassée, contrefaite, ayant le cou enfoncé entre des épaules inégales. On lui avait arraché sa cornette ; et ses cheveux, d’un blond ou plutôt d’un jaune blafard, hérissés, emmêlés, nuancés de gris, retombaient sur son front bas et stupide. Elle était vêtue d’un sarrau bleu comme les autres prisonnières, et portait sous son bras droit un petit paquet enveloppé d’un mauvais mouchoir à carreaux, troué. Elle tâchait, avec son coude gauche, de parer les coups qu’on lui portait.

Rien de plus tristement grotesque que les traits de cette malheureuse : c’était une ridicule et hideuse figure, allongée en museau, ridée, tannée, sordide, d’une couleur terreuse, percée de deux narines et de deux petits yeux rouges bridés et éraillés ; tour à tour colère ou suppliante, elle grondait, elle implorait, mais on riait encore plus de ses plaintes que de ses menaces.

Cette femme était le jouet des détenues.

Une chose aurait dû pourtant la garantir de ces mauvais traitements… elle était grosse.

Mais sa laideur, son imbécillité et l’habitude qu’on avait de la regarder comme une vic-