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veau le silence par un geste, tandis que les enfants, sans doute en proie à une faim dévorante, exaspérée par la vue de ce repas d’une splendeur jusqu’alors inconnue, restaient pour ainsi dire en arrêt à quelques pas de la table.

La femme du charron, muette de surprise, regardait la Levrasse. Celui-ci me prenant alors des mains le sac de toile verte, en tira une petite robe de soie rose pailletée d’argent, des brodequins de velours vert aussi pailleté et une couronne de roses artificielles montées sur un feuillage d’argent ; puis s’approchant du grabat du moribond, dont les lèvres décolorées s’agitaient encore, mais ne rendaient plus aucun son intelligible, mon maître fit scintiller aux yeux de Jeannette la robe rose pailletée d’argent.

L’enfant éblouie, stupéfaite d’admiration, joignit ses deux petites mains, ouvrit ses grands yeux de toutes ses forces et s’écria :

— Oh ! que c’est beau !… que c’est beau !

— Chut ! chut !… c’est pour toi, — dit tout bas la Levrasse à Jeannette, en lui faisant signe de descendre du grabat de son père.

— Viens, — ajouta t-il, — je vais te mettre cette belle robe pour que ton papa te trouve bien gentille à son réveil,… prends garde de le déranger,… ne fais pas de bruit.

L’enfant se dégagea facilement de l’étreinte expirante de son père, et en un moment la Levrasse avait revêtu la future Basquine de la robe rose, avait chaussé ses petits pieds des brodequins de velours, et placé sur ses cheveux blonds la couronne de roses à feuillage argenté ; l’enfant