Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/20

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bout de quelques jours, quand nous trouverons l’occasion belle… nous filerons tous trois.

— Et où irons nous ?

— Tout droit devant nous.

— Et comment vivre ?

— Nous mendierons, nous dirons que nous sommes frères et sœurs, que nos parents sont morts ; les serins de passants auront pitié de nous, comme disait le cul-de-jatte, nous empocherons leur argent. Et nous nous amuserons sans autre peine que de mendier…

— Et quand on ne nous donnera pas ?…

— On ne se défie pas des enfants… nous volerons.

— Hum !… nous volerons,… — repris-je d’un air pensif en songeant au Limousin, mon ancien maître, qui avait tant d’horreur du vol. Aussi j’ajoutai :

— Il vaudrait mieux ne pas voler.

— Pourquoi ?

— Parce que c’est mal.

— Mal ?… pourquoi ?

— Je ne sais pas, moi ; Limousin disait que c’était mal.

— Moi je dis que ça n’est pas mal ; aimes-tu mieux croire le Limousin que moi ?

— Il disait qu’il fallait gagner sa vie en travaillant.

— Mon père travaillait,… et il n’a gagné que la mort, — répondit Bamboche d’un air sombre, — le cul-de-jatte mendiait et volait quand il pouvait… ce qui n’empêche pas que jamais mon père ni moi nous n’avons fait un aussi bon repas que le plus mauvais repas du cul-de-jatte… Moi aussi, avant de mendier, j’ai demandé du travail aux passants, quand mon père a été mort.