Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/413

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cher promptement de lui, je ne pus m’empêcher de dire au portier, avec émotion :

— Ainsi… on l’aimait bien, le capitaine ?

— Si on l’aimait, Monsieur ! l’or lui coulait des mains, c’est le mot… lui coulait des mains. On n’a jamais vu un homme pareil… Tenez, un exemple : il avait acheté un mobilier superbe, qu’il n’a gardé que six mois, au bout desquels il est allé demeurer avec son père, le signor marquis, dans le faubourg Saint-Germain ; eh bien ! ce mobilier, il l’a revendu au tapissier pour le quart de sa valeur, sans marchander ; il a seulement voulu garder le mobilier de la salle à manger, savez-vous pourquoi faire ? pour le donner aux garçons en leur disant que c’était leur pour-boire, et ça valait peut-être deux mille francs. À moi, il m’a donné pourboire, en s’en allant, une basse avec un superbe archet monté en or et un ours apprivoisé, qu’il avait dans son jardin. J’ai vendu la basse cent cinquante francs, et l’ours, deux cents francs au Jardin-des-Plantes… et on n’aimerait pas un homme pareil !…

— Ainsi, le capitaine avait bon cœur ? — lui dis-je après cette énumération des libéralités de Bamboche.

— Je le crois bien, Monsieur ; il payait tout sans marchander ; seulement il était vif comme la poudre : il ne regardait pas à un coup de pied ou à un coup de poing de plus ou de moins ; mais, le moyen de se lâcher… quand il y avait au bout de ces vivacités un bon pour-boire ?

Cette humilité servile, intéressée, me répugnait ; jusqu’alors Bamboche ne m’apparaissait que comme follement prodigue et habituellement brutal ; je connais-