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qui se trahit à la manière dont le capitaine tenait son chapeau à la main, telle était la seule trace apparente de sa blessure ; il ne m’a peut-être jamais paru plus beau qu’aujourd’hui, de cette beauté à la fois mâle et douce qui le distingue ; ses cheveux courts et châtains comme ses sourcils, ses yeux bleus, grands et bien fendus, son front large, intelligent, glorieusement cicatrisé, son teint hâlé, sa moustache presque blonde, son sourire gracieux et fin, son menton prononcé donnent à ses traits un rare caractère de franchise et d’énergie ; beaucoup plus grand que le prince, — sa démarche, sans avoir la raideur militaire, a ce je ne sais quoi de ferme, de contenu, que donne l’habitude de porter l’uniforme, contraste frappant avec l’espèce de laisser-aller, non sans élégance d’ailleurs, particulier à la tournure de M. de Montbar et des hommes à la mode que reçoit Régina ; le même contraste existait entre la mise luxueuse, recherchée du prince, et la sévérité de l’habillement de Just. Cette sévérité néanmoins n’excluait pas l’élégance ; sa redingote noire, croisée et boutonnée jusqu’au ruban rouge qu’il porte, était courte et avantageait parfaitement sa taille, que la robuste ampleur des épaules faisait paraître plus mince et plus élégant encore ; son pantalon d’un gris de deuil, s’arrondissait sur un pied aussi remarquablement petit pour la haute stature du capitaine, que l’était sa main soigneusement gantée de noir.

En un mot le prince et lui, jeunes tous deux, beaux tous deux, différaient aussi bien moralement que physiquement. Ainsi, à la physionomie de M. de Montbar, calme, reposée, presque indolente, quoique un peu hautaine, à son altitude aisée, insoucieuse, l’on devi-