Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/123

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Ma maîtresse était vêtue avec une simplicité toute matinale, d’une robe d’étoffe d’été fond blanc à mille raies bleues ; un petit chapeau de paille doublé de taffetas rose laissait voir les épais et noirs bandeaux de ses cheveux ; au moment où je suis entré, elle s’enveloppait d’un léger schall de crêpe de Chine blanc. En se cambrant en arrière, et en se tournant à demi pour ramener cette écharpe sur ses épaules, ce mouvement donna à sa taille un charme si voluptueux… que je ne pus en détourner les yeux, malgré ma résolution de fuir désormais ces dangereux enivrements.

— Je vais moi-même choisir les fleurs chez la fleuriste, — m’a dit Régina, — elle ne m’enverrait pas ce que je désire ;… si on les apporte avant mon retour… vous m’attendrez pour les arranger…

— Oui, Madame la princesse.

Et je la précédai pour lui ouvrir la porte de l’appartement qui donnait sur le grand escalier.

Je l’ai vu descendre vive… légère… ailée… si je puis dire… car ses petits pieds chaussés de brodequins noirs posaient à peine sur les larges degrés de marbre.

— Peut-être, — me suis-je dit en tressaillant, — elle court à un rendez-vous que lui a donné le capitaine pour le jour de son arrivée.

À cette pensée, il m’a semblé qu’une main de fer me broyait le cœur… et, pour accroître cette torture, mon imagination m’a retracé toutes les folles ardeurs de ce rendez-vous…

Il est des fatalités étranges, comme disait Basquine…