Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/124

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J’étais sous le terrible charme de cette vision, elle exaspérait tout ce que j’avais d’amour, de haine, de jalousie dans le cœur, lorsque j’entendis Mlle Juliette m’appeler et me dire ;

— Martin… voulez-vous être bien aimable ? c’est de venir m’aider à faire la chambre à coucher de Madame…

— Certainement, — lui dis-je.

Et je suivis Mlle Juliette, avec cette résolution que l’on met souvent à pousser à bout son mauvais sort.

Je n’étais jamais jusqu’alors entré dans la chambre à coucher de ma maîtresse… et c’est aujourd’hui… aujourd’hui, que j’y suis entré pour la première fois…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je n’étais jamais entré dans la chambre de la princesse, parce que, grâce à un sentiment de réserve très-rare, même parmi les personnes les mieux élevées et du plus grand monde, Régina tenait expressément à ce que ses femmes seules fissent le service de sa chambre à coucher, et y apportassent même le bois de sa cheminée. Elle veillait elle-même à ce que ces ordres fussent rigoureusement suivis, car, sauf sa visite matinale à la prétendue femme paralytique et sa sortie d’aujourd’hui, je n’ai jamais vu ma maîtresse quitter l’hôtel avant une ou deux heures.

Je suis donc entré avec Mlle Juliette dans cette chambre, dont j’avais vu quelquefois l’intérieur se réfléchir dans le miroir du salon de tableaux… Rien de plus simple et conséquemment de meilleur goût ; elle est tendue d’étoffe de cachemire orange clair, rehaussé de câbles de soie bleue ; le bois du lit disparaît sous une