Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/126

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garnie de dentelles, tandis qu’elle dégageait l’autre tout en parlant.

— Vraiment ? — lui dis-je en touchant d’une main tremblante ce fin tissu où avait reposé la tôle de ma belle maîtresse.

— Mon Dieu ! oui, — reprit Mlle Juliette, — Madame veut qu’on lui mette des draps blancs tous les jours ; au fait ça n’a rien d’étonnant, on change bien de chemises tous les jours, n’est-ce pas, Martin ?

— Sans doute.

— Et puis, de cette manière-là, Madame est sûre que son lit n’est pas fait à l’anglaise ?

— Comment ?… à l’anglaise ?

— Vous ne savez pas ça ? nous appelons faire un lit à l’anglaise quand on ne se donne pas la peine d’ôter les draps de dessus le matelas.

— Ah ! je comprends.

— Mais alors, ça fait des bourrelets terribles dans le lit, et Madame a la peau si sensible, si fine, qu’elle se marque même au plus petit pli de sa chemise de batiste sous son corset. À propos… de chemise, donnez-moi la sienne de cette nuit,… là… sur le pied du lit. Je vais la mettre avec les taies d’oreiller.

Je fis ce que me demandait Mlle Juliette.

Mais lorsque j’eus pris cette toile légère et douce, toute parfumée de la senteur d’iris et de verveine, particulier à Régina, mes deux mains se crispèrent soudain par un mouvement involontaire et si passionné, que la femme de chambre me dit en riant :

— Mais donnez donc, Martin, comme vous la tenez, cette chemise !