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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/132

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Il m’a semblé entendre un brusque et léger mouvement, car la porte du parloir se trouvant en face de la fenêtre, je ne pouvais, en traversant le salon, apercevoir Just et Régina dans le renfoncement où ils se tenaient ; lorsque j’entrai, Régina était dans un fauteuil, et lui assis près d’elle sur une petite chaise basse. Les joues de ma maîtresse étaient légèrement colorées… Lui, je ne le voyais que de dos.

— Que voulez-vous ? — m’a dit la princesse avec une impatience contenue.

— C’est une lettre qu’on vient d’apporter pour Madame…

Et je la lui ai présentée de la main à la main, ayant dans mon trouble oublié de mettre, selon l’usage, cette lettre sur un plateau. Régina ne m’a fait aucune observation sur mon oubli ; mais j’ai remarqué sa répugnance presque imperceptible lorsqu’elle a pris cette lettre de ma main ; puis elle m’a dit avec un accent significatif : — C’est bon…

— Il n’y a pas de réponse, Madame la princesse ?

— Non, — m’a-t-elle répondu avec une impatience croissante, — cela suffit…

Maladroit valet, vous ne deviez pas venir, mais ne revenez plus, pensait-elle sans doute.

Toucher ma main… la main d’un laquais la répugne, me dis-je en ressentant avec amertume cette humiliation qui, un autre jour, m’eût été sans doute indifférente…

Alors la tentation infâme m’est revenue à la pensée plus pressante que jamais.