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de l’homme politique. — Pour figurer la tribune, il avait mis la baignoire de Madame en travers, et il était là à taper sur le couvercle en faisant les grands bras devant la glace comme un imbécile, se lançant à lui-même des regards foudroyants, se montrant le poing, enfin, ayant l’air de se traiter comme le dernier des derniers.

— Il répétait donc sa parade ? — dit Astarté, — la scène qu’il doit faire demain à notre ministre !

— Certainement, — reprit Benard, — d’autant plus qu’il parlait avec son organe de tribune, comme il dit… il a répété plus de vingt fois… et même c’en était embêtant à la fin, car je l’entendais de l’antichambre : C’est sous l’empire d’une émotion soudaine, que j’accours à cette tribune… La France est là… Je veux qu’elle m’entende… Il paraît que c’est surtout les mots : Émotion soudaine qu’il ne pouvait pas arracher au naturel… À la fin… il les a tirés…

— Parole d’honneur, — dit Leporello, — ça serait à payer sa place.

— Et quand il disait : La France est là !… il faisait un grand geste en montrant la porte de la garderobe de Madame, — ajouta l’homme de confiance de l’homme politique, en partageant l’hilarité que causait ce récit.

— Et dire… — reprit Astarté en riant aux éclats, — que votre maître travaille comme ça pour rien… pour le ridicule… voilà tout… C’est pas comme tant d’autres ; car j’ai entendu dire à mon ministre qu’on trouvait pour mille écus par an… de très-bons petits députés, qui ne parlaient pas encore trop mal…

— Et à ta ministresse, lui rends-tu toujours la vie dure ? — demanda Mlle Juliette à Astarté.