Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/15

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— Tiens, je crois bien ;… ainsi, ce soir, elle ne voulait sortir qu’à dix heures pour aller au bal de l’intérieur. Ah ! bien oui, moi qui voulais être ici à huit, je lui ai dit que j’avais à sortir, et je vous l’ai fait s’habiller en sortant de table, et plus vite que ça… C’était pour en crever, car elle mange comme un ogre… Et maintenant, parée comme une châsse, elle est à attendre devant sa pendule l’heure d’aller au bal… Et quelle toilette ! quel paquet ! comme c’est fagoté !…

— Vous avez donc un talisman, Mademoiselle, — dis-je à Astarté, — pour faire ainsi ce que vous voulez de votre maîtresse ?

— Son talisman — dit Juliette, en riant — c’est qu’elle a été pendant quinze ans première femme de Mme la duchesse de Rullecourt, la beauté la plus à la mode de la Restauration, et que Mme Poliveau, c’est le nom de la ministresse d’Astarté, se trouve si fière, si honorée d’avoir à son service une première femme de chambre de duchesse, qu’Astarté fait tout ce qu’elle veut dans cette maison, où on est trop heureuse de l’avoir.

— Ah ! maintenant je comprends — dis-je à Astarté.

— Voilà tout mon secret — me répondit-elle. — Mais, ces gens-là ! c’est si bourgeois, si bête, si encrassé !… Il n’y a rien à en faire… Du reste, c’est très-drôle : quand il vient une des collègues de ma ministresse la voir, comme qui dirait Mme Galimard, du commerce, ou Mme la ministresse de l’intérieur, dont le grand-père du côté maternel était portier, ma maîtresse me sonne sous prétexte de me donner un ordre, et puis elle dit à demi-voix à ses collègues, en se rengorgeant, et en me montrant du coin de l’œil :