Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/161

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— Je me suis bourré sous mon costume ; voilà pourquoi je vous parais plus gros, et partant plus petit, mon brave Jérôme.

— Voyons donc, voyons donc, — et Jérôme, m’examinant encore attentivement, ajouta : — Supposons que ce soit vous, il faut que je voie un peu si je m’y reconnaîtrai…

Puis, après un nouvel examen :

— Pas davantage, — s’écria-t-il, — vous n’êtes pas Martin ; si vous êtes quelqu’un… vous ne pouvez être qu’un camarade surnommé Tourniquet… Allons, c’est toi, Tourniquet, hein ? avoue-le.

J’étais complètement rassuré ; je devais être méconnaissable aux yeux du prince ; quant à ma voix, comme il ne m’avait pas cent fois adressé la parole depuis que j’étais au service de sa femme, et que je lui avais toujours répondu, comme il convient, presque par monosyllabes, et d’une voix basse et respectueuse, il était impossible aussi qu’il la reconnût.

Je craignis même un instant d’être trop bien déguisé, car Jérôme, s’imaginant que c’était une farce qu’on lui jouait, s’obstinait dans son erreur.

— On me couperait en quatre, — disait-il, avec l’accent d’une profonde conviction, — que je crierais encore : C’est Tourniquet !

Heureusement il me restait un moyen de prouver mon identité : je citai à Jérôme les termes dont je m’étais servi la veille au soir pour le prier de me réserver sa voiture pour le lendemain. Cette preuve fut triomphante, et le brave homme m’adressa les plus sincères compliments sur mon déguisement.