Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Maintenant que nous avons galopé à mort, mon ami Pierrot, paie-moi un coup de piqueton ? fiston.

Le prince, dont la figure me parut de plus en plus sombre, se dégagea brusquement de la confiante étreinte de la bergère, et lui dit :

— Va-t’en au diable !…

— Je ne te lâche pas comme ça, — dit la hideuse créature en se cramponnant encore au bras du prince.

— Quand nous aurons piqueté… À la bonne heure.

— T’en iras-tu — s’écria le prince furieux, — et il repoussa violemment la bergère, qui trébucha et se mit à accabler d’ignobles injures son ex-danseur.

Puis, avisant dans la foule un turc à figure sinistre et à carrure d’Hercule, la bergère lui parla avec véhémence, et, du geste, lui indiqua le prince. Celui-ci, sans plus s’occuper de cet incident, gravit lentement l’escalier où je me trouvais, et alla s’asseoir dans un coin obscur de la galerie, devant une table isolée, comme toutes celles placées au second rang et n’ayant pas vue sur le bal.

La bergère et le turc que je ne quittais pas des yeux, continuaient de parler à voix basse, et se recrutant bientôt d’autres personnages non moins ignobles qu’eux, ils se perdirent dans la foule en se retournant plusieurs fois pour jeter sur le prince des regards courroucés et menaçants.

J’entendis alors M. de Montbar assis à quelques pas derrière moi, s’adresser au garçon et lui demander :

— Une bouteille d’eau-de-vie.

Puis le prince s’accouda sur la table, laissa retomber