Aller au contenu

Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le prince bondit sur sa chaise ; puis il resta un moment silencieux, l’œil fixe, dans un accablement pensif ; sans doute il avait gardé un vague souvenir de cette soirée d’ivresse, car, sans oser me démentir, il s’écria, comme écrasé de honte :

— Tais-toi… je te défends de prononcer ce nom…

— Tiens ? et pourquoi donc ça, mon vieux ? Un nom que tu t’amuses à écrire sur la table d’un cabaret… et que même ce soir-là un ivrogne l’a épelé… ce nom… avec des hoquets à faire trembler… R et E… ça fait RE… qu’il disait en faisant le balancier, G et I… ça fait GI…

— Malheureux, — s’écria le prince hors de lui, — mais tu veux donc que…

— Ah ! si tu cries, mon vieux, — lui dis-je en l’interrompant, — je crie aussi fort que toi, moi ! mais ton nom… oh hé ! les Titis ! les…

— Mais c’est l’enfer que cet homme !… quel est-il donc ? — murmura le prince, en tâchant encore de reconnaître mes traits ; voyant la vanité de sa tentative, il dit avec un soupir :

— Impossible… impossible… cette voix ? cet accent ?… je m’y perds…

— C’est drôle, tout de même, que tu ne me reconnaisses pas, mon vieux… Voyons donc si une autre chose me rappellera mieux à toi… Te souviens-tu d’une fameuse nuit passée ensemble… dans un… (et je lui dis le mot à voix basse) de la barrière des Paillassons ? Il y avait avec nous un chiffonnier qui nous faisait crever de rire avec ses histoires… et des femmes, mais des femmes ficelées… Il y en avait une surtout…