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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/199

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n’ai été ni soutenu, ni encouragé par la seule personne qui aurait pu m’y faire persévérer… et opérer en moi, si elle l’eût voulu, un changement complet ! Mais il était trop tard… La froideur, le sarcasme ont accueilli mes premières tentatives. Alors la résolution m’a manqué, je suis retombé dans cette vie, dont je sens le néant, et que je tâche de rendre supportable, grâce au contraste des sensations brutales que je cherche dans d’ignobles lieux, vivant aujourd’hui à l’hôtel de Montbar, demain allant m’étourdir dans quelque horrible bouge… Eh bien ! oui, ces alternatives ont eu pour moi une sorte de charme puissant… Et vous qui osez me blâmer, est-ce que vous savez seulement, comment, et par qui, et pourquoi, j’ai été conduit à ces habitudes de dégradation bizarre ?

L’exaltation du prince était extrême ; elle allait toujours croissant ; je le voyais sur la pente d’une confidence qui pouvait avoir beaucoup d’influence sur ma décision ultérieure ; je craignis par un mot imprudent de le rappeler à lui-même ; je gardai donc le silence, il poursuivit avec un redoublement d’amertume :

— Il est si facile d’accuser les gens, quand on ne tient compte ni de l’éducation ni des circonstances. Est-ce que c’est de ma faute à moi, si, orphelin à douze ans, j’ai été élevé par des parents qui étaient restés des gens de 1760 ? À quinze ans je me suis senti une vocation pour l’état militaire. — « Fi donc ! — m’a-t-on répondu, — est-ce qu’un prince de Montbar peut aller s’asseoir sur les bancs d’une école, pêle-mêle avec des bourgeois, et sortir de là pour être commandé par quelque je ne sais qui ? C’est impossible. » Je renonçai donc