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entrer, j’ai entendu ces mots dits par Régina à son mari avec entraînement :

— Ah ! Georges ! le dévoûment de ma vie tout entière ne m’acquittera jamais envers vous !

J’ai craint, en entrant aussitôt, de laisser deviner mon émotion, car ces paroles de Régina, ou plutôt le sentiment d’ineffable reconnaissance qu’elles exprimaient, n’était-ce pas au vengeur de la mémoire de sa mère et par conséquent à moi… qu’ils s’adressaient ? Je suis donc resté une seconde derrière les rideaux des portières, puis les soulevant à demi :

— Madame la princesse a sonné ?

— Oui… attendez… — m’a-t-elle dit vivement, en ployant en hâte une lettre qu’elle venait d’écrire. Les joues de Régina étaient colorées, ses yeux, humides de larmes, brillaient d’une joie radieuse.

Le prince, debout devant la cheminée, et extrêmement pâle, se trouvait sous l’empire d’une émotion telle, que je remarquai le tremblement involontaire dont toute sa personne était agitée ; pourtant, malgré ces tressaillements, malgré cette pâleur, un bonheur contenu se lisait sur ses traits… Il espérait… sans doute.

Régina, finissant de cacheter une lettre qu’elle venait d’écrire, m’a dit d’une voix pour ainsi dire palpitante de joie :

— Cette lettre… chez mon père… à l’instant et à lui-même, entendez-vous ? à lui-même. Ma voiture est attelée… prenez-la… pour être plus tôt arrivé… Ne perdez pas une minute,… pas une seconde…

— Je ferai observer à Madame la princesse…

— Quoi ? — me dit-elle impatiemment.