Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/234

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— Prince… ce ne sera pas ma faute si je ne…

— Assez… — me dit durement M. de Montbar.

— Partez vite, Martin, et faites tout votre possible, — m’a dit la princesse avec bonté, trouvant sans doute le prince bien sévère pour moi. — D’une façon ou d’une autre, revenez ici en toute hâte. Et je vous l’ai dit, prenez ma voiture.

— Oui, Madame la princesse.

— Et montez-y convenablement, — ajouta le prince.

Et comme je le regardais, ébahi de cette recommandation, il haussa les épaules et me tourna le dos.

À peine étais-je sorti du parloir que j’entendis M. de Montbar dire à Régina, en parlant évidemment de moi :

— Mais il est stupide !

— Ce n’est pas un aigle… mais il est probe et zélé — a répondu ma maîtresse.

La dureté du prince à mon égard n’avait pas été au-delà des bornes d’une de ces réprimandes, un peu trop sévères peut-être, que l’on adresse journellement à mes pareils ; mais le cœur de l’homme est ainsi fait, ou plutôt l’habitude de la réflexion et de l’observation était portée chez moi à un tel point, que j’eus d’abord un vif ressentiment des hautaines paroles de M. de Montbar, et, bien plus, d’un point de départ aussi puéril en apparence, j’arrivai d’induction en induction à me demander, si le prince était vraiment digne de la généreuse commisération et de l’affectueux intérêt dont je lui avais donné tant de preuves pendant la nuit, s’il méritait enfin le service immense que je lui avais rendu en lui confiant