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autrement son ministre et sa ministresse, qu’ils fussent là ou qu’ils n’y fussent pas.

C’est à dessein, et non sans lutte, que je m’appesantissais sur ces réflexions, sur ces souvenirs, pendant mon trajet de l’hôtel de Montbar chez M. de Noirlieu… Je voulais échapper à des pensées que je ne sentais que trop sourdre en moi, car la voiture où je me trouvais était celle de Régina, et, là encore, j’aspirais ce parfum particulier aux vêtements de ma maîtresse, philtre toujours enivrant… toujours dangereux pour moi.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Nous arrivâmes chez M. de Noirlieu, je laissai la voiture à la porte, j’entrai, et, comme toujours, Melchior s’apprêtait à me donner sa courte audience sur le perron du vestibule.

— Monsieur Melchior, — lui ai-je dit, — j’ai une lettre de Mme la princesse à remettre à M. le baron… à lui-même !… ce sont les ordres de ma maîtresse.

Le mulâtre sourit dédaigneusement et haussa les épaules.

— Il ne s’agit pas, Monsieur Melchior, de hausser les épaules, — dis-je en élevant beaucoup la voix, — la commission dont Madame m’a chargé est si importante et si pressée, qu’elle m’a dit de prendre sa voiture.

— Sa voiture ! — dit Melchior très-surpris.

— Oui, j’en descends à l’instant même : elle est à la porte… ainsi conduisez-moi à l’instant auprès de M. le baron, à l’instant.

— Impossible ! — me répondit rudement Melchior.

— Impossible ?…

— M. le baron est souffrant et ne reçoit personne.