Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/278

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inutile… Cette idée féconde que vous m’avez donnée, mon ami, d’utiliser ma passion de contrastes en m’aventurant encore dans d’horribles lieux, non plus par un sentiment de curiosité stérile, dépravée… mais dans un but profitable… cette idée, je l’ai mise en pratique. Je vous ai souvent écrit l’intérêt saisissant et souvent bien doux pour mon cœur, que j’avais trouvé dans ces excursions ainsi dirigées.

» Je n’oublierai jamais la surprise, l’attendrissement de Mme de Montbar, lorsque je lui ai raconté mon premier succès en ce genre. Avec quelle chaleureuse conviction elle m’a louée :

» — C’est beau… c’est bien, — m’a-t-elle dit d’une voix pénétrée. — Vous voilà digne de votre nom, de votre rang. »

» Les yeux de Régina brillaient ; son visage, toujours si pâle depuis un mois, s’était légèrement coloré ; il m’a semblé qu’en s’arrêtant sur moi, son regard perdait un peu de son amicale et froide placidité.

» Alors, je lui ai dit d’une voix presque timide :

» — Vous êtes contente, Régina ?

» — Oh ! oui… contente et bien heureuse… pour vous.

» — Alors, — ai-je ajouté en hésitant, de crainte d’aller trop vite, — alors, votre main.

» — Oh ! de grand cœur ! — m’a-t-elle répondu avec un mouvement rempli de cordialité,

» Cela m’a semblé une faveur inespérée.

» J’ai pris cette main presque en tremblant… cette main charmante que je couvrais autrefois d’ardents baisers… et je me suis hasardé à la serrer…