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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/308

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qu’il a montrés… repentez-vous… Il est temps, croyez-moi !

Le comte, à la fois honteux et irrité d’avoir laissé pénétrer son émotion à Claude Gérard, se raidit contre les sentiments généreux auxquels il venait de céder et s’écria :

— Sors d’ici… à l’instant, pas un mot de plus.

— Dieu se lasse à la fin… — reprit Claude Gérard d’une voix plus élevée… — Prenez garde…

— T’en iras-tu, — s’écria le comte exaspéré.

— Écoutez-moi, je vous en conjure, — reprit Claude Gérard d’une voix altérée, — je vous parle sans haine, sans emportement. Il y a dans tout ceci une volonté providentielle… C’est cette nuit… presque à la même heure où expirait votre victime… la mère de Martin… de votre fils… qu’en lisant la vie de ce malheureux enfant… vous appreniez à le connaître, et, j’en suis sûr… à le plaindre, à l’aimer… Je vous dis qu’il y a dans tout ceci autre chose que du hasard… — répéta Claude d’une voix de plus en plus imposante, — oui… et si vous étiez assez aveugle, assez malheureux, assez désespéré, pour ne pas vous abaisser devant ce qu’il y a de mystérieux, de providentiel dans ces événements… prenez garde… un secret pressentiment me dit que vous serez frappé fatalement de quelque coup terrible.

Malgré son orgueil, malgré son endurcissement, le comte tressaillit à ces paroles de Claude Gérard, tant son accent solennel avait d’autorité… et d’ailleurs cet accent n’annonçait ni haine, ni menace, mais plutôt une sorte de commisération pour le comte, tant le braconnier semblait convaincu de sa prophétie.