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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/33

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— Je suis de l’avis de Mlle Juliette, — dis-je à Astarté, — il y a peu de temps que M. le capitaine Just a perdu son père qui était l’ami de Madame, et elle disait au prince aujourd’hui même à dîner, que le capitaine Just était encore si triste qu’il craignait de rencontrer du monde chez elle ; voilà sans doute pourquoi Madame le reçoit à une heure différente de ses autres visites.

— C’est égal, — dit en riant Astarté, — il n’y a rien de plus traître que les beaux grands garçons mélancoliques ; je vous recommande ce jeune homme-là, Monsieur Martin, et lorsque vous me ferez le plaisir de venir prendre une tasse de thé au ministère de la justice, vous aurez aussi votre petit cancan à faire ; écoutez donc, chacun son écot.

— Et ce sont nos maîtres qui paient, — dis-je en riant à Astarté, afin de cacher la pénible émotion que me causaient ces malignes remarques.

— Après ça, — reprit Astarté, — c’est, vous le voyez, en tout bien, tout honneur. Entre nous, tout se dit, mais rien ne se sait au dehors. Tous, tant que nous sommes ici, nous pourrions être des domestiques terribles, comme dirait M. Gavarni… Eh bien ! je suis sûre que parmi nous personne n’a à se reprocher d’avoir abusé d’un secret contre un maître.

— C’est vrai, — dit l’homme de confiance du député… — Pourtant… si l’on voulait !

— Ah bah ! — dit Leporello, en éclatant de rire, — votre crâne de député a donc des fâmes… vous pourriez donc le livrer à une foule de maris furieux.

— Non, farceur… mais à la rage de ses électeurs, qui sont aussi venimeux… que des maris. Tenez, ce