Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/363

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votre fils ne s’incline comme moi devant votre toute-puissance.

— Parlez pour vous, ma chère, — s’écria Scipion en donnant un libre cours à sa fureur, dont il n’était plus maître. — Quant à moi, je ne m’incline devant personne… et si l’on m’outrage… je me venge…

Le comte allait sortir ; il s’arrêta, se retourna, toisa dédaigneusement son fils, et dit :

— Vous parlez, je crois, de vengeance ?…

— Oui… j’en parle, et je ferai mieux qu’en parler — s’écria Scipion, hors de lui. — Ah ! vous croyez, Monsieur, que vous m’aurez impunément élevé… comme vous m’avez élevé ? Ah ! vous croyez qu’à l’heure dite, un caprice de votre volonté fera tout-à-coup de moi un fils respectueux, et de vous un père respectable ?

Le comte fit un mouvement, mais il se contint. Scipion poursuivit avec une animation croissante :

— Ainsi, vous m’aurez pris pour témoin de vos amours, pour confident de vos roueries…… Vous m’aurez appris à tout railler, à tout insulter sur la terre..... à commencer par votre autorité dont vous faisiez litière à nos sarcasmes et à nos orgies. Et voici que depuis huit ou dix jours, parce que l’intérêt de votre rage conjugale l’exige, il vous plaît de prendre au sérieux votre rôle de père. Cela fait pitié… vous parlez du respect que je vous dois ! Vous n’avez plus le droit d’y prétendre, Monsieur… du jour où nous avons bu dans le même verre le vin de l’orgie, et où nous avons échangé nos maîtresses.

À ces effrayantes paroles, le comte, atterré, ne put s’empêcher de courber le front.