Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/375

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oui, passionnément amoureux, et, cet amour, la princesse l’avait accueilli avec le mépris le plus hautain, le plus outrageant ; votre père jura de s’en venger… or, le comte, mon pauvre Scipion, lorsqu’il s’agissait de vengeance… trouvait vite et bien…

— Courage… louez-le encore…

— Il le faut bien, car il n’y a pas un homme qui eût été, je crois, assez hardi pour faire ce qu’il a fait.

— Voyons — dit Scipion en se contenant à peine, — voyons ce trait inimitable !

— Pendant un an le comte joue le mort au sujet de la princesse qui se défiait de lui, — reprit Basquine ; puis il loue une maison déserte, y installe une fausse paralytique, dans un appartement misérable et isolé. La princesse était fort charitable… elle est adroitement attirée seule dans la maison sous prétexte d’une aumône à faire à la prétendue malade… et Mme de Montbar tombe ainsi au pouvoir de votre père, qui se venge d’elle, ma foi… comme on se venge d’une jolie femme qui vous a insolemment dédaigné. Tout ceci est demeuré secret… ainsi que cela devait arriver, chacun ayant le plus grand intérêt à cacher cette aventure… Qu’en dites-vous ?

Scipion parut réfléchir, et ne répondit pas.

Basquine continua :

— Voilà de quoi votre père est capable, et quand on déploie une telle vigueur, une telle opiniâtreté dans sa vengeance… vous sentez bien que l’on regarde à bon droit comme un jeu de réduire un écolier rétif, comme il dit.