Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/38

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taies d’oreiller en batiste de rebut que vous m’avez délicatement donnée pour mon épouse — m’a répondu Balard. — Il fallait bien le croire… Et voilà, pour ce qui est de chez nous, tout ce que j’ai de plus frais à vous servir… Là-dessus, donnez-moi une tasse de thé avec un peu de rhum, ma petite Juliette, car j’étrangle de soif.

Étrange pressentiment… je fus effrayé de ce que je venais d’apprendre par la femme de charge du comte Duriveau. Je ne sais quel instinct me disait que la joie atroce de cet homme, ainsi qu’avait dit Mme Gabrielle, avait pour cause la réussite de quelque détestable projet ; que peut-être il se voyait sûr de sa vengeance contre Régina. Cette lettre, qui avait causé une joie folle au comte Duriveau ; cette lettre, écrite et cachetée d’une manière si vulgaire, et ensuite soigneusement brûlée par lui… me semblait significative ; ne trahissait-elle pas des relations complètement en dehors des relations habituelles de M. Duriveau ? Et s’il machinait une basse vengeance contre Régina, n’était-ce pas dans quelque milieu ténébreux qu’il devait chercher ses complices, ainsi que l’avait redouté le docteur Clément ?… Enfin, l’espérance ou même la certitude d’une vengeance éloignée, n’eût pas causé une joie si vive à M. Duriveau. Sans doute, il croyait toucher au but qu’il poursuivait depuis long-temps ; mais si mon pressentiment ne me trompait pas, ce but, quel était-il ? cette vengeance, où et comment devait-elle s’accomplir ?

Prévenir directement la princesse de se tenir sur ses gardes m’était impossible ; ma position envers Régina m’imposait la réserve la plus absolue ; je compromettais