Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/39

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tout en laissant voir à la princesse l’intérêt extraordinaire, inexplicable pour elle, que je portais à tout ce qui la touchait… Sa défiance s’éveillait alors, et la moindre imprudence me faisait à l’instant chasser de la maison. J’aurais pu lui écrire d’être en défiance, mais contre quoi ? et puis quelle créance accorderait-elle à un écrit anonyme, alors qu’elle n’avait tenu compte des vives appréhensions du docteur Clément, se plaisant, au contraire, — disait-elle, — à braver les ressentiments de M. Duriveau. Si j’avais eu quelque renseignement positif, précis, j’aurais pu à la rigueur, et dans une si grave conjoncture, écrire anonymement au prince, le défenseur naturel de sa femme, mais il était malheureusement parti dans la soirée pour Fontainebleau.

Ces pensées m’effrayèrent tellement, qu’un moment je voulus croire à la vanité de mes craintes, et je continuai d’écouter attentivement, sans avoir le courage d’y prendre part, l’entretien des invités de Mlle Juliette, tâchant de pénétrer si la femme de chambre du comte Duriveau n’était pas envoyée par lui, enfin si les récriminations de cette femme au sujet de la dureté de son maître n’étaient pas une feinte adroite ; malgré mon attention, il me fut impossible de rien découvrir à ce sujet. Les invités de Mlle Juliette quittèrent l’hôtel vers les une heure du matin sans que le beau Fœdor, l’amant de la marquise italienne, eût paru.

La princesse m’avait ordonné d’attendre son retour. Je venais de descendre à son appartement, d’aviver le feu de son parloir, et d’allumer ses bougies, lorsque le bruit d’une voiture entrant dans la cour m’annonça le retour de Régina. Lorsque je lui ouvris la porte de