Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/392

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strangulés, seul bruit qui rompît çà et là l’effrayant silence de cette scène…

La figure de Scipion, quoique déjà marquée de l’empreinte de la mort, était encore charmante… Ses lèvres, froides et bleuâtres, s’agitant faiblement sous sa petite moustache blonde, semblaient chercher un dernier sourire sardonique, et découvraient ses dents du plus pur émail. Il appuyait sa tête sur son bras replié… et sa main, délicate et blanche comme la main d’une femme, disparaissait à demi parmi ses cheveux châtains, dont parfois elle étreignait quelques boucles soyeuses, cédant ainsi aux crispations machinales de l’agonie.

Enfin… le comte Duriveau fit un violent effort pour prononcer quelques paroles, et ces mots entrecoupés sortirent de ses lèvres tremblantes.

— J’ai tué… mon fils… j’ai tué mon fils…

Cela était affreux… On eût dit que ce misérable, dans l’espèce de délire où il demeurait plongé, prononçait forcément, fatalement, ces paroles… et qu’il n’en trouvait pas d’autres… car il répéta une troisième fois en secouant convulsivement la tête :

— J’ai tué mon fils… j’ai tué mon fils…

À ce moment, les yeux de Scipion, jusqu’alors mourants, demi-clos, s’ouvrirent tout grands… et pendant quelques secondes une dernière étincelle de vie et de jeunesse rendit ce regard plus limpide, plus brillant, plus beau, qu’il n’avait jamais été…

À mesure que les yeux de Scipion s’ouvraient davantage, ceux de son père, qu’ils semblaient attirer par une sorte de fascination, s’agrandirent aussi, et s’arrondirent