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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/441

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défiances, des préjugés, malheureusement inséparables de l’ignorance et de l’espèce d’asservissement dans lesquels vivaient ces malheureux. « Que risquez-vous ? — leur disait cet homme de bien que vous admirez, Monsieur Just, — essayez… Je me charge du premier établissement, de plus, j’assurerai votre existence pendant deux années ; vous quitterez vos tristes et homicides demeures pour des logements sains, riants, commodes ; vos travaux écrasants, infructueux, seront rendus productifs et attrayants par leur variété. Essayez, vous dis-je, de cette association. Que risquez-vous ? Les parcelles de terre que vous joindrez à celles que je mets, en commun vous reviendront dans deux années. Si votre condition ne vous paraît pas améliorée, vous pourrez alors retourner habiter vos masures qui restent debout… »

— Et ils n’ont pas résisté long-temps à l’évidence de ces avantages ? — dit Just.

— Près de deux mois, — répondit Claude Gérard.

— C’est incroyable ! en présence d’avantages si évidents, — dit Régina.

— Hélas ! Madame, — reprit tristement Claude Gérard, — ces malheureux étaient depuis si long-temps habitués à être traités avec insouciance ou dureté ; on les avait accoutumés à avoir si peu de confiance dans la bonté humaine, qu’ils se demandaient, avec une sorte de défiance craintive, pourquoi l’on montrait à leur égard tant de désintéressement et de générosité.

— Vous avez raison, Monsieur, — dit Régina, — cette défiance est une sanglante satire du passé !