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— Moins maintenant, mais d’abord j’ai tant souffert qu’il m’a été impossible de marcher ; ce ne sera rien, je l’espère, je monte vite chez moi pour changer et je redescends chez Madame la princesse.

Dix minutes après, j’entrais dans le salon d’attente où je me tenais habituellement, lorsque j’entendis un violent coup de sonnette.

Je courus au parloir de la princesse, j’en soulevai timidement la portière. Je vis Régina affreusement pâle, les traits bouleversés, mais le maintien ferme, contenu.

— Voilà dix fois que je vous sonne, — me dit-elle durement. — Vous devriez être ici depuis huit heures… et il est midi et demi… en vérité, c’est incroyable… vous inaugurez singulièrement votre service chez moi…

— Que Madame la princesse veuille bien m’excuser pour aujourd’hui… Mais…

— L’on n’a pas d’idée d’une pareille négligence !… J’attendais autre chose et mieux de votre zèle… et justement… lorsque j’aurais eu tant besoin de…

Puis s’interrompant, elle me dit brusquement :

— Il suffit… je sais que vous êtes là… Je vous sonnerai si j’ai besoin de vous…

Je sortis le cœur navré de la dureté de la princesse ; mais je l’excusai bientôt… Après tout, elle ignorait la cause de mon inexplicable absence.

Dix minutes s’étaient à peine écoulées, que la sonnette de la princesse retentit de nouveau.

Régina était toujours pâle, ses traits révélaient encore une cruelle anxiété douloureusement contenue ; mais, en me parlant, son accent, au lieu d’être brusque et dur, fut doux et bienveillant.