Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ma maîtresse se trouvait sans doute sous l’impression d’une pensée riante et heureuse… peut-être amoureuse… car ses traits charmants étaient doucement épanouis ; puis, contemplant la masse, de fleurs au milieu desquelles elle s’avança avec un lent ravissement, elle s’écria :

— Mon Dieu ! les beaux camélias, les belles primevères, les belles roses… Que tout cela est frais et brillant !…

Je l’ai aidée à arranger les fleurs ; je les lui apportais, et elle les plaçait ensuite elle-même dans les vases, mélangeant, nuançant avec un goût exquis les feuillages et les couleurs.

La jardinière, qui entourait sa table à écrire, était presque au niveau du tapis ; pour la garnir, il a fallu que ma maîtresse se mît à genoux, tandis que, debout, me courbant vers elle, je lui apportais les fleurs à mesure qu’elle les demandait ; j’étais alors si près d’elle, que le suave mélange de fraîche verveine et d’iris qui s’exhalait d’elle me montait parfois au cerveau comme un filtre enivrant… enfin, lorsque toujours agenouillée sous mes yeux, elle s’avançait ou se penchait de çà, de là, pour redresser la branche d’un arbuste… mettre en lumière quelques fleurs cachées sous des feuilles… je suivais malgré moi, d’un regard troublé, les ondulations de cette taille fine et cambrée, dont les trésors se trahissaient à chaque mouvement nouveau…

J’ai failli me trahir ; le ridicule m’a sauvé.

Il ne restait plus à garnir qu’un grand et magnifique vase de porcelaine de Saxe, émaillé de grosses fleurs en relief, et dont les anses, aussi de porcelaine, figuraient