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des ceps de vigne d’une délicatesse incroyable ; cette ornementation rendait le vase si fragile, et ma maîtresse y tenait tant d’ailleurs (il avait appartenu à sa mère) qu’elle voulut y placer elle-même un très-beau crinum en pot, fleur à corymbe pourpre de la plus agréable odeur, et dont les longues feuilles retombent gracieusement en gerbe.

Tenant le pot de fleurs entre mes deux mains, je le présentai à ma maîtresse. Le hasard voulut qu’en cherchant à le prendre, une des petites mains de Régina, si fraîches, si douces, effleura la mienne… Cette sensation fut foudroyante, mon sang reflua vers mon cœur, et, par un mouvement machinal de respect ou d’effroi, je retirai si brusquement mes deux mains, que je laissai tomber le crinum au moment où la princesse s’apprêtait à le recevoir, et le pot se brisa sur le tapis.

— Mon Dieu ! que vous êtes maladroit ! — s’écria ma maîtresse avec dépit, en voyant cette magnifique fleur cassée sur sa tige.

— Je demande bien pardon à Madame la princesse… je croyais que Madame tenait tout… alors j’ai…

— Alors vous avez fait une sottise… — reprit impatiemment la princesse, — une si belle fleur… et si rare…

Et comme je restais là confus… ou plutôt mille fois satisfait de ma maladresse qui donnait ainsi le change à Régina sur la cause de mon trouble, elle ajouta avec humeur :

— Ramassez donc ces débris, cette terre, que voilà sur le tapis.

— Si Madame la princesse veut le permettre, — ai-je