Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/112

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Gontran vit mes larmes ; bientôt ses yeux se mouillèrent aussi. Je penchai mon front accablé sur le sien, et nos pleurs se confondirent.

Hélas ! hélas !… pourquoi ces larmes ? Sommes-nous donc si malheureusement doués, que la grandeur de certaines félicités nous écrase ? ou bien la tristesse involontaire qu’elles nous inspirent est-elle un pressentiment de leur peu de durée ?…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Que dirai-je de ces jours fortunés, si beaux, si rapides, de cette vie d’amour et de solitude que Dieu voulut environner de toutes ses splendeurs, car le temps fut toujours admirable ?

Un crayon de notre journée fera comprendre l’amertume de mes regrets lorsqu’il fallut abandonner cette existence enchanteresse.

Chaque matin, après avoir admiré ma corbeille de jasmin et d’héliotropes, qui ne m’avait jamais manqué à mon réveil, et que Gontran se plaisait à cueillir lui-même dans notre parterre, chaque matin nous allions de très bonne heure nous promener à pied dans la forêt, fouler avec joie les grandes herbes