Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la cicatrice reste… Il me haïra, ça, j’y compte bien, mais en même temps il me craindra comme le feu ; car, si je m’acharne après lui, je le traquerai de salon en salon et je ne le ménagerai pas… Aussi maintenant je le tiens dans main… ce vilain homme ! Or, rappelez-vous bien chère petite, qu’il aimera toujours mieux prendre pour ennemis mes ennemis que de m’avoir à ses trousses. Vous m’entendez, n’est-ce pas ? — ajouta ma tante en me lançant un regard d’ironie cruelle ; — aussi je ne dis rien de plus. Seulement ne me poussez pas à bout et soyez gentille…

Je restai accablée d’effroi… Je ne pouvais prononcer une parole. Ce que me disait mademoiselle de Maran n’était que trop vrai : elle seule pouvait se mettre assez au-dessus des convenances pour attaquer si impitoyablement M. Lugarto dans son orgueil, et le dominer ainsi par la frayeur.

Je frémis en songeant à la possibilité de je ne sais quel monstrueux accord conclu entre cet homme et mademoiselle de Maran, accord basé sur leur méchanceté commune.