Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/199

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Je quittai ma tante dans un état d’inquiétude inexprimable ; je me rappelai son entretien avec une sorte de terreur sourde. De tous côtés je ne voyais que haines, que périls, que perfidies cachées. J’aurais préféré de franches menaces aux sinistres réticences de mademoiselle de Maran.

Je rentrai chez moi absorbée par ces tristes pensées. Dans un moment de désespoir, je songeai à M. de Mortagne ; mais grâce à ma tante, je ne pouvais même penser à mon unique protecteur sans un souvenir douloureux, sans me rappeler les scènes cruelles qui avaient précédé et suivi mon mariage.

Ma voiture s’arrêta un moment avant que d’entrer dans la cour. Machinalement je jetai les yeux sur la maison qui était en face de la nôtre.

Au second étage, à travers un rideau à demi soulevé, je reconnus M. de Mortagne, assis dans un grand fauteuil ; il me parut très pâle, très souffrant ; il me fit rapidement un signe de la main, comme pour me dire qu’il veillait sur moi, puis le rideau retomba.

J’eus un moment d’espérance ineffable ; je