Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/231

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une de ces plaisanteries que le monde tolère. Pourtant, chacune de ces paroles me portait un coup cruel.

Mon amour pour Gontran était si dévoué, si sérieux, si fervent ; cet amour, enfin, sur lequel reposait ma vie, ma destinée tout entière, était pour moi l’objet d’un culte si religieux, que, lors même que la jalousie n’eût pas été douloureusement excitée, j’aurais été blessée de la légèreté du langage de la princesse.

Il y a dans tout sentiment sincère et profond qui sent sa vaillance une sorte d’austérité ombrageuse, de susceptibilité farouche, de pudeur sacrée qui se révolte à la moindre profanation. Aussi, songeant à mon isolement, à mon caractère défiant, aux malheurs de mon enfance, à l’espoir immense que j’avais fondé sur mon mariage avec Gontran, on comprendra peut-être mes ressentiments.

La princesse, étonnée de mon silence, me dit :

— Mais vous semblez préoccupée, Madame, à quoi pensez-vous donc ?

Je fus sur le point de lui dire avec candeur ce que j’éprouvais, et de la supplier, au nom