Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/320

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pas lutter contre le penchant qui pourrait s’éveiller dans votre cœur en ma faveur. Voyons, avouez que je vous parais fat en vous parlant ainsi ; je parie que cela vous choque ?… Eh bien ! vous avez tort… c’est le langage du véritable amour… L’homme qui aime bien se sent toujours sûr de faire tôt ou tard partager sa passion… Êtes-vous bizarre ! Adoucissez donc ce regard effarouché. Après tout, qu’est-ce que je vous demande ? de vous laisser être heureuse… Vous verrez, vous verrez… Mais répondez-moi donc… au moins… Mathilde.

En m’appelant ainsi, M. Lugarto s’approcha de moi, il voulut me prendre la main.

J’entendais ce langage ignoble et je croyais rêver ; l’impudence de cet homme m’était connue, et j’en vins presque à me demander si à mon insu je n’avais pas mérité une pareille humiliation.

Je me crus fatalement punie de n’avoir pas assez témoigné à M. Lugarto l’aversion qu’il m’inspirait.

Lorsqu’il voulut me prendre la main, la honte, le courroux, l’épouvante, m’exaspérèrent, je me levai brusquement :