Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvais-je contre vous ? rien. J’attendis, j’observai ; les louanges excessives dont on vous accablait me donnèrent le désir violent de compenser par l’art, par la grâce hypocrite, par la coquetterie la plus étudiée, ces avantages qui me manquaient et qu’on admirait en vous… Quand j’eus quinze ans, je vous trouvai belle, bien plus belle que moi ; ne pouvant lutter de beauté avec vous, je me promis de vous le disputer un jour par la physionomie, par l’entrain, par le montant : vous étiez belle d’une beauté chaste et sereine… je voulus être agaçante… provocante… mais le moment n’était pas venu… Un jour, je pleurais de rage en pensant à l’avenir brillant qui vous attendait, au triste sort qui m’était réservé… Par hasard je me regardai dans un miroir, je vis que les larmes m’allaient presqu’aussi bien que le rire éclatant et fou… Provisoirement je me résolus d’être triste, mélancolique, sentimentale. Vous étiez riche, j’étais pauvre ; on vous comblait de flatteries, on m’accablait de mépris : rien ne paraissait plus naturel et plus intéressant que mon rôle de victime résignée… Je me mariai et vous aussi, vous