Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/134

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aviez tout pour choisir et vous avez choisi un homme charmant… Le même bonheur vous a suivie dans votre union ; belle, riche, jeune, titrée, jouissant d’une réputation sans tache, idole de ce monde qui n’a d’admiration que pour votre beauté, de louanges que pour vos vertus, vous ne pouvez faire un vœu qui ne soit réalisé : voilà votre vie… Est-ce assez de bonheur, cela ? — ajouta-t-elle avec une expression de colère et d’envie qui me prouva qu’elle me croyait véritablement la plus heureuse des femmes.

Un moment je fus sur le point de la détromper, pensant ainsi la désarmer ; je voulais lui dire toutes les angoisses des premiers mois de mon mariage, les calomnies dont j’avais été victime… mais cela me parut une lâcheté, je me contentai de lui répondre :

— Vous me croyez donc bien heureuse, que vous me haïssez tant…

— Eh bien ! oui ; quand je compare votre existence à la mienne, je vous envie, je souffre. Pourquoi cette différence entre nous ? Pourquoi n’y a-t-il pas un avantage dont vous ne jouissiez ? pas une qualité, pas une vertu